Promenade d’un agnostique. Chapitre 6 : Le christianisme. Suite

Du temps de Jésus, Israël est sous la domination de Rome.

Pour d’évidentes raisons de politique intérieure, les religions sont tolérées, tant que leurs responsables ne dérivent pas vers l’extrémisme ou ne sont pas des agitateurs politiques.

Les quatre courants principaux : les Pharisiens, les Saducéens, les Zélotes et les Esséniens.

Les Pharisiens sont majoritaires, ils sont religieusement de stricte observance et ont la faveur du peuple.

Les Saducéens ont la faveur de la haute société. Ils n’attendent pas de messie. Ils n’observent que la loi écrite.

Les Zélotes sont théologiquement proches des pharisiens, mais ils sont des nationalistes militants qui ont souvent des démêlés avec l’autorité romaine.

Les Esséniens vivent une vie monastique dans des endroits reculés, souvent difficiles d’accès et se mêlent peu des manifestations politiques.

Icône de la nativité

LE CHRIST : Dans l’Ancien Testament, seuls les rois Saul et David sont des « oints » (en grec : Christ) de dieu.

 Le judaïsme ne reconnait pas Jésus comme le Messie. Or Le christianisme est né de la croyance à Jésus comme tel.

 Le christianisme est donc une secte juive dissidente, stricto sensu.

 Le paradoxe majeur. Qu’est-il arrivé au dieu d’Israël, au caractère violent, irascible parfois, vengeur souvent, cruel, dieu des armées, pour qu’il envoie sur Terre son fils qui répand une foi basée sur l’amour, la tolérance, le pardon jusqu’à la miséricorde, en somme tout ce que n’est pas le dieu d’Israël ?

Cette différence fondamentale, qui n’a pu échapper au premier théologien venu est étrangement absente des commentaires sur les rapports de l’Ancien et du Nouveau testament.

 Vues sans parti pris, ces deux sources définissent deux croyances non seulement différentes, mais opposées. D’un côté, un dieu exclusivement juif (israélite, à l’exclusion du reste du monde) et d’un autre, le fils supposé du premier et son messager qui prône un amour universel ! (Qu’on excuse l’aspect répétitif de ce court paragraphe).

 Cette thèse est intellectuellement inadmissible.

Jésus, être noble et inspiré – du fait de son appartenance au peuple juif et partageant sa vie et ses croyances, par proximité sociale – s’est-il donné l’aval du seul dieu qu’avait son peuple, pour être plus crédible dans la prédication en Israël de sa création religieuse ? Comme, toute proportion gardée, Muhammad sept siècles plus tard, en « recevant » aussi son inspiration du dieu de l’Ancien Testament, par le truchement de l’ange Gabriel (il n’y a pas d’archange en Islam. Ibid ) en se contentant de la moitié des titres de Jésus, se disant « Rasoul » (Messager), pas « Nabi » (prophète) mais encore moins fils de Dieu ? Cette différence était-elle obligée et sa conséquence aussi : la totale, absolue, fondamentale en Islam, unicité de Dieu ? (Sourate 112 et de nombreuses autres). Jésus est cependant retenu comme prophète, en Islam, au même titre que tous ceux de l’Ancien Testament.

L’Histoire conforte cette thèse, qui devient la seule admissible quand on constate aujourd’hui la religion d’Israël et la Chrétienté, pour le schisme total entre ceux qui attendent toujours le messie et…les autres qui pensent en être les disciples depuis 2000 ans.

On connait d’autres exemples dans les mythes religieux fondateurs où le fils s’oppose au père, tel Kronos, fils d’Ouranos et de Gaia (le ciel et la terre) qui dévore ses enfants de peur que l’un d’eux ne le détrône et Zeus, son fils, qui s’oppose à lui et le tue. Avec l’aide de sa fratrie.

Et là, ce n’est pas symboliquement, comme Jésus tue le père chez les psychanalystes.

On comprend qu’en son temps, il devait donner une image du Père compatissant, avec ce dieu qui « vêt les lis des champs qui ne filent ni ne tissent », ou « nourrit les oiseaux » bien que ces paresseux ne fassent rien pour ça.

On pourrait reconnaître, avec un peu de malice, la provende des aides sociales de nos jours, souvent justes et généreuses, mais aussi souvent encourageantes pour ceux qui s’en satisfont pour vivre aux dépens de leur société.

Mais les choses ne se sont pas mal passées – pour les mêmes raisons que l’on ne répète à satiété dans les écoles coraniques que les versets qui ne peuvent prêter à controverse.

La cosmogonie dans le livre d’Enoch

Mais que les adeptes des trois monothéismes se rassurent : ils ont une des meilleures (sinon la meilleure) cosmogonie, qui permet, avec un peu de peur de la mort, mâtinée de besoin de spiritualité et de donner – à tout prix – un sens à la vie qui ne saurait en avoir, d’en faire une cosmologie.

Quand on pense que les iles japonaises sont nées d’une éjaculation du dieu Izanagi, ou que la moitié des religions asiatiques sont en fait des philosophies, quand elles ne sont pas des stratégies sociales pour assurer le pouvoir sur le peuple, comme le Confucianisme, ou l’œuvre de Lao Tseu ou encore certaines traditions-religions africaines où, si les esprits représentés par des objets ou des statues sont jetés au feu s’ils ne font pas ce qu’on leur demande avant d’en tailler d’autres, confirmant ainsi que c’est l’esprit et non la chose qui compte, ou enfin, les religions méso-américaines, qui sacrifiaient aux dieux, le soleil principalement , en arrachant aux victimes leur cœur pour obtenir les faveurs de l’astre du jour, on peut être tolérant avec la vraisemblance des récits fondateurs des religions !

 A tout prendre, construire une histoire religieuse à partir de la vie d’un peuple a le bénéfice d’une certaine réalité même s’il y a certaines sources, elles incertaines, comme l’apport de la religion égyptienne aux trois monothéismes. Entre autres : « Moïse et le monothéisme » (S. Freud).

Mais l’acte fondateur de la religion chrétienne est le sacrifice de Jésus sur la croix romaine, pour la rédemption des pêcheurs.

Croix, soit dit en passant qui n’en n’était pas une. Les lieux de supplice avaient, à demeure, des pieux verticaux – les stipes – et le supplicié avait les bras attachés sur un madrier – le patibulum – qui était hissé sur le stipes, formant un « T » et non une croix. Le supplice ne comportait pas davantage de clous. C’est le poids du supplicié suspendu par les bras, qui, après une lente agonie, paralysait les muscles respiratoires, entrainant la mort. Quelques fois, quand le condamné, essayait de soulager sa souffrance en appuyant ses pieds sur le stipes, on lui brisait les jambes avec une barre de fer.

Jésus donc prédit et accepte cette mort ignominieuse pour que « s’accomplissent les écritures » (ces écritures-là ne sont connues de personne).

Une icône de la crucifixion

Il accepte, nous dit la tradition chrétienne, ce supplice pour racheter les péchés du monde. Sans cynisme, on peut dire que si tous les péchés du monde pouvaient être rachetés par la mort d’un seul, cela serait peu payé. Mais ce qui sanctifie le geste de Jésus, c’est que ce sacrifice est destiné à Dieu, son père, seul habilité à remettre les péchés, à accorder le pardon. On peut imaginer un tel fils débordant d’amour et de compassion pour son prochain, mais peut-on imaginer un tel père, dont les catéchistes s’évertuent à nous décrire l’infinie bonté ? Et c’est cet acte que perpétue la messe, chaque jour, dans l’Église catholique : un père qui accepte qu’on lui immole son fils.

 S’il faut en croire la transmission orale de ceux qui assistaient aux derniers instants de jésus, ses dernières paroles furent : « Eloi, Eloi lama sabactani » (Araméen : mon dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

 Cette phrase restera à jamais énigmatique : Jésus connait son sort prochain, il l’accepte pour ce qu’il signifie – la rédemption – signant la Nouvelle Alliance et il endure les souffrances et cependant reproche à l’instant ultime, à Dieu, son père, de l’avoir abandonné.

On peut écarter, pour un tel être – humain ou divin – des sentiments comme la peur ou la lâcheté et qui savait qu’il était né pour ce seul instant et qui cependant s’adresse au seul pouvoir qu’il considère supérieur à « tout » pour lui demander non pas de le sauver, mais pour le questionner sur sa décision de laisser s’achever ce qui est prévu. Doit-on considérer que c’est la chair qui a parlé en cet ultime instant, acceptant de n’avoir été qu’un homme durant ce passage terrestre ? A moins que ce ne soit pour éprouver entièrement l’événement, avec l’horreur devant la mort que, jusqu’à cet instant le dieu-homme n’avait pas imaginé ?

Mais on le rencontre, quelques jours plus tard, rasséréné, rencontrant les « femmes » et ses apôtres, puis disparaissant à jamais, pour les hommes.

Jésus-Christ ressuscité avec l’apôtre Thomas et d’autres apôtres, tableau de Sebastiano Santi dans l’église « Chiesa dei Santi Apostoli » à Venise.

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