Il y a cinquante ans, on considérait qu’une génération était à peu près le temps écoulé entre un accouchement de femme à celui de sa fille, soit à peu près vingt ans. Et on avait, dans cette période, les constantes générationnelles classiques : mœurs, cultures – musique, loisirs – on était « de la même génération ».
Il y a trente ans, ne se considéraient de la même génération que ceux qui vivaient dans les mêmes mouvances socio-culturelles, à dix ans près.
Aujourd’hui, une jeune personne de vingt ans n’a rien à dire, rien à partager avec telle autre de dix-sept ans. La profusion de marqueurs culturels, comme la littérature, la musique, les loisirs, a délimité des segments de moins de cinq ans, les études psycho-sociologiques indiquent plutôt trois ans.
Ces effets, qui doivent évidemment beaucoup aux marchés, pourraient être vécus comme une distrayante diversité, si le besoin sécurisant de marquer les contours du Groupe n’exaspérait pas la recherche de ses spécificités, de préciser les contenus de ces bulles sociales.
S’ensuit une valse des modes qui « ringardisent » la musique en deux ans, l’apparition d’un vocabulaire hermétique et les changements vestimentaires aussi coûteux qu’accablant quant à leur goût.
Dans les pays occidentaux, dits « riches » – les autres ont d’autres soucis – cette décroissance des bulles générationnelles parait aller, contre toute logique, vers un individualisme absurde où la volonté d’affirmer une génération enferme ses composants dans un égotisme qui ne peut survivre sans un narcissisme extrême, qui ne peut, lui, qu’aller vers la fin du concept de génération.
Mais on n’imagine pas que les groupements sociologiques de fait, comme l’école, le lycée et l’université, ne génèrent plus de sentiments d’appartenance à une mouvance, mais peut-être cette appartenance trouvera-t-elle sa source dans les domaines émotifs ou sentimentaux interpersonnels plutôt que socio-culturels.
Ces néo-groupes pourraient réintroduire des concepts liants moraux ou philosophiques au détriment de modes ou de cultures éphémères imposées par les commerçants. Être acteur plutôt que consommateur.
Peut-être…