Combien d’enfants pour faire un adulte ?

Jadis, le chemin obligé des enfants pour devenir adulte passait par la prime enfance, jusqu’à cinq ans, « l’âge de raison » de six ou sept ans à dix ans, puis la préadolescence jusqu’à treize ou quatorze ans, puis l’adolescence, jusqu’à quinze ou seize ans et l’arrivée dans le champ du jeune adulte.

Sur cette échelle, schématique et discutable en fonction des ethnies, des conditions matérielles de vie, de la qualité de l’instruction scolaire, de la classe socio-professionnelle des parents, l’enfant évoluait, créant son « être » au monde et sa sociabilité avec sa fratrie, ses amis, ses condisciples scolaires, dans un cadre de sanctions sociales, morales, civiques et affectives où deux facteurs dominaient : la qualité de ses parents comme exemples et la réussite scolaire, témoin et juge de son développement intellectuel, moral et mental.

Dans un tel cadre critique, les psychosociologues ont établi de façon quasi absolue, que la qualité de ces apprentissages déterminait pour une très (trop ?) grande part la relation affective de l’enfant avec ses parents. L’enfant « prometteur » et le « cancre » ne recevaient pas la même quantité d’amour !

Un des facteurs essentiels de cet état de choses était que l’enfant évoluait en fonction de sa capacité d’appropriation de l’information qui lui était fournie, qu’elle provienne de l’école, du milieu familial, de son bain social.

Si, jusqu’à « l’âge de raison », ces propositions paraissent acceptables jusqu’à aujourd’hui aussi, elles sont maintenant battues en brèche par l’avènement de l’informatique, de l’Internet et des réseaux sociaux, systèmes perçus comme plus fiables pour leur universalité et disqualifiant en partie les parents et les maîtres, si ceux-ci ne s’imposent pas avec compétence et fermeté comme des sources aussi fiables que celles de l’ordinateur. Difficile challenge ! Plus difficile, voire impossible avec l’avènement de l’Intelligence Artificielle.

Les interdictions d’un usage abusif par les adultes des systèmes digitaux sont vécues par beaucoup d’enfants murissants comme un aveu de défaite d’une société jalouse qui interdit ce qu’elle ne peut pas donner.

Beaucoup de parents vantent avec fierté la dextérité de leur enfant dans l’usage des outils ludiques et culturels de l’informatique. Étrange constat de démission.

Un résultat beaucoup plus pervers réside dans le fait que l’accès à l’information sans limite évolue vers un télescopage par compression des échelles d’âges et de valeurs aux résultats souvent dramatiques.

Des enfants prépubères qui veulent expérimenter des chemins sexuels qui ne s’avèrent rien d’autre que des aventures traumatisantes, alors que des adultes d’âge mûrs se mêlent, souvent avec « succès », au monde de la fête pensée pour des post adolescents. Des jeunes individus perdus qui singent les adultes qu’ils ne sont pas et parmi ces derniers, des névrosés qui s’accrochent aux images de ce qu’ils ne sont plus.

La permissivité de parents souvent touchés par cette nouvelle épidémie de l’âme, aveugle ceux qui devraient être des guides et qui deviennent en fait des complices dans la destruction de valeurs qu’ils ne savent plus appliquer et moins encore enseigner.

Trop de « civilisation » technologique tue l’Humain dans l’Homme, car elle suscite de moins en moins d’exigence d’Humanité.

Les commentaires qui précèdent seraient sans objet si l’accession à la technologie était, dans sa diffusion, gouvernée sur la base de la morale et du civisme. Mais le fait que le système digital dans sa globalité n’a aucune gouvernance laisse peu d’espoir.

Une réflexion au sujet de « Combien d’enfants pour faire un adulte ? »

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