Troublante similitude :
Les hébreux – selon les textes bibliques – sont en esclavage en Égypte, puis, sept siècles plus tard, à Babylone et libérés, non plus par un Moïse, mais par l’empereur Cyrus II, de Perse.
Le symbole : un peuple qu’on esclavagise, mais qui finit par retourner dans sa terre promise par son dieu.
Les Noirs Américains, arrachés à leur terre africaine, mis en esclavage, adoptent volontiers ces récits épiques et on peut penser que leurs chants, après les work-songs (chants de travail rythmés par le bruit des outils) empruntent les textes bibliques, qui entretiennent, par leur similitude, la mémoire collective de ces déracinés.
L’ambiance ecclésiale et la solennité des lieux de culte aidant, ils s’installent dans les textes judéo-chrétiens, qui au cours des générations les rapprocheront de la spiritualité de leurs maîtres, mais ceux-ci, dans cette geste, ont alors le rôle du Pharaon ou du Nabuchodonosor des hébreux, rôle d’oppresseur spirituel, en plus de celui, écrasant, d’humains possédant d’autres humains qu’ils exploitent comme des bêtes de somme.
Après la Guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, ce peuple acculturé s’est assimilé et sa musique et ses chants ont gardé leur empreinte originelle de soumission au dieu des esclavagistes, mais empreint de revendications sociales sous-jacentes où le racisme est un nouveau stigmate, plus socio-politique que spirituel.
Le Negro-Spiritual, précurseur du Gospel, cultive et entretient encore aujourd’hui l’émotion, par ses phrases musicales en lamento, de souffrances passées mais inoubliables : il n’y aura pas de retour vers la terre promise.