Les esprits chagrins incriminent la fête dès lors qu’elle trouble leur quiétude. La fête fait du bruit !
Tout processus festifs à deux origines : la satisfaction de l’instinct grégaire et, surtout, l’effet libératoire. La fête est, nécessairement, pour produire ses effets, assez antisociale.
Les enfants, au sortir de la classe pour la récréation, tout juste en passant la porte, crient en se mettant à courir. Ils sont libérés de la discipline sociale et du labeur, de la « civilisation » et retrouvent l’usage de leur corps et ses expressions bruyantes que le silence de la classe avait muselé.
L’aspect grégaire dans la fête se retrouve dans les gestes et danses, souvent convenus, donc rituels, réalisés au même rythme pour le groupe. Le rythme, la mélodie, les timbres instrumentaux incitent dès la première enfance (avant même un an) quand l’enfant peut à peine se tenir debout en s’appuyant aux meubles, l’homme à « entrer » dans la fête, en obéissant au rythme bruyant.
Ce n’est que la fatigue, autre langage du corps, qui mettra fin à la fête. Le « HOOO !…» de désapprobation qui montait de la salle des bals publics d’antan quand les musiciens annonçaient une pause de quelques minutes en était le témoin, qui était aussi l’aveu de l’inavouable qui se nouait entre les danseurs lors de rythmes lents.
La fête est donc musique, bruits des voix – d’ailleurs nécessairement élevés pour vaincre la musique afin de s’entendre – appels et cris des enfants.
Mais la fête est bien sûr aussi une affaire de classe sociale. La fête aux bestiaux, ancêtre des « ferias » d’aujourd’hui dans les pays latins, répondaient à ces besoins de prétextes libératoires, alors que les fêtes de palais, dont les danses réglées avec précision introduisaient une notion d’ordre et de conformité qui faisaient de la fête un « devoir » social, par lequel chacun se soumettait de façon stricte à un protocole qui n’admettait aucune fantaisie. Un faux pas attirait l’ironie ou, dans certains cas, sous l’ancien régime, l’opprobre.
Pour atteindre ses buts de libération, la fête doit donc admettre l’extériorisation de fonctions mentales et physiques qui sont inadmissibles par la société pour un individu. Chanter en dansant seul dans la rue conduit à l’hôpital psychiatrique.
Mais la pression de conformité est telle que, dans son état « normal », l’individu a quelques difficultés à se donner à la liberté qu’implique la fête. Il doit briser quelques tabous sociaux et il confie souvent ce rôle à l’alcool, dont l’excès exagère l’effet libératoire et génère, dans presque toutes les fêtes, disputes et violences. Mais quelle somme de sagesse faut-il pour ne prendre à l’alcool que cette sensation d’un léger bien-être qui n’altère ni la conduite décente, ni le respect de l’autre ?
La fête pourrait être un bon endroit pour choisir ses amis. Beaucoup de couples s’y font… et s’y défont.