« LE » signe du temps : de l’iconoclastie à « la codoclastie ».

Les iconoclastes cassaient les images, les représentations, symboliques ou directes de mouvements philosophiques, religieux, sociaux, dans la recherche la plus efficace de l’annihilation des structures représentatives de pensées, de dogmes variables, dans la doxa de chacun et, si possible, de liens prosélytiques de plusieurs mouvances, limitant leur extension propre et entre elles. La destruction de l’image de l’une d’entre elles affectant l’ensemble des l’écoles de pensée.

Ce travail socio-intellectuel de destruction restait lisible, par l’ancienneté de ses racines, plongées dans l’individu et les liens de transmissions familiaux, ecclésiaux, ou politico-sociaux. Les membres d’une société étaient liés par la constance de son image, tant pour « l’ailleurs » que pour l’interne.

Ce schéma est raisonnablement humain, car il n’agit qu’au niveau des représentations.

Après les tentatives anarchistes, mortes par gravité de la sphère politique, restait à trouver un chemin plus original que la destruction de l’image des tendances politiques, sociales, religieuses pour en combattre les effets.

Plutôt que de détruire les images, « la codoclastie » est née (aujourd’hui) d’une démarche « Tour de Babel », qui tuerait le logos, qui porte le discours et sa fondation, la parole, comme canal et ciment de toute communication humaine.

Or, le logos est basé sur des codes, sorte de figures dialectiques, qui constituent non seulement les structures du discours mais son contenu.

Par exemple : « rien ne doit sortir de ce temple » et « rien de ce qui se dit ici ne doit en sortir »

Dans la première proposition, le code tacite est absolu, par sa simplicité qui ne laisse aucune échappatoire à ce qui se dit, se fait, se pense dans le temple. « Rien » code le discours.

Dans la deuxième proposition, l’interdit ne porte que sur la parole : c’est une image, pas un code.

Dans la conversation courante, les deux locutions ont un signifié équivalent : source, pour le deuxième, de faute.

La notion de code recouvre d’autres champs sociaux. Son expression la plus simple est facilement perceptible : le vocabulaire, ses sémantiques ou polysémies des langages professionnels. Les langages, dans cette optique, sont structurellement « égaux » ; si on les compare par analyse socio psychologique : le vocabulaire d’un boulanger ou d’un maçon sont aussi peu compréhensibles pour un auditeur neutre que celui d’un médecin interprétant une image scanner, ou celui d’un cuisinier rapportant la recette d’un mets raffiné.

Casser les codes, dans ces cas, n’a que l’intérêt de nuire à la conservation du contenu technique de l’objet traité.

Les choses se compliquent quand l’objet concerné n’est pas d’ordre technique, mais philosophique, symbolique, ésotérique, religieux ou socialement important. Casser ou éroder les codes dans ces cas-là, est un acte touchant au fondamental, comme l’est de fait une image, mais celle-ci est univoque, alors que le code, comme principe peut être porteur de plusieurs éléments : l’image d’une fleur impliquera sa forme, sa couleur, son parfum, sa valeur symbolique (en héraldique par exemple). Un code n’introduit pas une information, une valeur technique ou quelque mystérieuse liaison avec un ailleurs. Il induit un état d’esprit, conduisant au cœur de ce qu’il évoque. Il a une valeur structurante car il est de l’ordre de l‘ésotérisme telle une « clé » en mécanique ou une « fonction » en mathématique.

Les casseurs de codes, les « codoclastes », n’ont pas encore compris l’importance de ce qu’ils tentent, comme les anarchistes d’antan. Ils ne pourront nuire que si ceux qui codent nos sociétés sont en défaut d’imagination ou en excédent de vulgarisation.

Le « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais, dans un monde où la science n’est plus accessible au vulgaire, est un avertissement salutaire car beaucoup se croient informés par une presse papier et télévisuelle qui ne publie que le premier barreau d’une échelle qui se perd dans les nuages.

Pour lutter contre une image, on peut utiliser une autre image

Pour tenter de casser un code, il faut le pénétrer à un niveau égal ou supérieur à celui utilisé pour le créer. Difficile entreprise, car les codes fondateurs contiennent leur propre défense, surtout peut-être même dans les domaines techniques (numériques par exemple), où les chiffrages permettent l’utilisation de l’infini.

Les codoclastes réussiront-ils là où les anarchistes iconoclastes ont échoué ? Le wokisme et autres dérives temporaires ont-ils un futur ?

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