J’ai vécu 20 ans à Séville et, intrigué par ce phénomène sociologique, j’ai approché quelques toreros célèbres et un de mes amis était propriétaire de la plus grande « ganaderia » de la région, Finca Mirandilla.
Dans la plupart des débats sur le sujet, manquent deux éléments :
« l’opinion » du « toro » et la psychopathologie des foules, qui est précisément ma spécialité.
S’il avait le choix, le « toro » aurait à choisir entre :
Une vie d’un an et demi, de l’animal de boucherie, avant d’aller à l’abattoir respirer l’odeur du sang de ses congénères (quelques fois pendant deux ou trois jours, selon le planning de ces gens, ce qui engendre des mugissements de panique audibles à grande distance),
Ou,
Une vie de cinq ans, en liberté totale, dans l’immense ganaderia, n’ayant pour soucis que se nourrir, trouver le meilleur coin d’ombre pour ses siestes et aider les vaches reconnues « nobles » à procréer la génération suivante de « toros bravos ». Et bien sûr, mourir en vingt minutes, dans un exercice qui lui permet de montrer sa puissance et sa bravoure, qui l’ont rendu présent dans de nombreuses situations psychosociales centrales, depuis le taurobole des cultes de Mithra ou de Cybèle, de haute antiquité, jusqu’à ce jour, où régulièrement, des « toreros » ont à connaître de sa puissance.
Si j’étais le « toro », je n’hésiterais pas, face à cette alternative !
L’état psychologique de la foule, sera plus bref.
A part les touristes, il y a, bien sûr et d’abord, tous ceux qui usent les poncifs, tellement usés (oups) déjà qu’ils ne méritent pas le détail.
Mais, plus inquiétants, ceux pour qui le spectacle de la souffrance animale, et quelques fois humaine, rappelle trop le pouce baissé qui condamnait le gladiateur vaincu, pour être des spectateurs innocents.
Ceux-là jouissent de la souffrance de la bête et seraient peut-être plus à leur place chez leur psy, à qui il devrait poser la question « est-il normal qu’un être humain équilibré jouisse d’une torture infligée à un autre être vivant ? »