Essai sur le néant.

Par convention tacite et en vertu d’une logique assez élémentaire, écrire sur le néant est une aporie qu’il est vain d’essayer d’ébranler, comme l’infini ou d’autres absolus que la raison éloigne par crainte quasi superstitieuse de se perdre, déjà réputée ébranlée par la vanité de ce choix sémantique d’un objet hors d’atteinte.

Le néant est un vertige d’avant le zéro et après l’infini.

Dans son Faust, Goethe situe le néant comme la négation princeps : « Ose d’un pas hardi aborder ce passage au risque-même d’y rencontrer le néant ! ». Il est sous-entendu là que le néant est le contraire de l’être. Le « ne gentem » du vieux français, lui aussi, nie l’existence de l’être.

Les absolus ont cependant, par leur caractéristique d’inviolabilité, un aspect inhumain rassurant pour l’être, car celui-ci ne peut rien prétendre ou craindre d’un état indéfinissable et hors de la capacité d’imagination. Sauf à craindre l’inconnu, qui comme tel peut être n’importe quoi, y compris redoutable.

Le pire châtiment imaginé par les religions est l’enfer, assimilé au feu, ou, comme Caïn, le manque que créerait pour lui d’être privé de voir la face de son Dieu (Genèse 4-14). Le néant n’est pas nommé.

Les réincarnations successives du Bouddhisme sont, elles aussi, un refus du néant, un évitement, encore que cette vision de l’après-mort ne définit pas son stade ultime : le Nirvana.

Dans le cas des religions théistes, comme dans le Bouddhisme, le néant est esquivé, probablement parce « qu’inutilisable » comme concept descriptible, donc incapable d’inspirer l’espérance ou la crainte.

Pour Platon, suivant Socrate : « Si la mort est l’extinction de tout sentiment et ressemble à un de ces sommeils où l’on ne voit rien, même en songe, c’est un merveilleux gain que de mourir ».

Dans ce point de vue, où le néant est réduit à l’inquiétude eschatologique de l’homme, le néant échappe cependant à son aspect d’absolu et la mort de l’homme est un bien modeste événement au regard de son évocation universelle.

L’astrophysique nous parle d’une « matière noire » dans l’univers, indéfinie, qui serait six fois plus importante que la matière visible, étoiles et galaxies – pour laquelle il n’existe pas encore de théories acceptables et moins encore satisfaisantes. Si aucune énergie n’en parvient, pourrait-ce être parce qu’elle n’en a pas et que cet état serait proche du néant, ou même son expression universelle ?

Mais le néant, comme non-être, comme antithèse de l’être, rejoint le philosophique : « une chose est ou n’est pas ». Un assentiment à cet aphorisme réduit le néant à « rien ». Ce qu’il est probablement, s’il n’est pas un concept créé pour recouvrir l’ignorance de l’Homme et il devient l’absurdité de ce qu’il perçoit « sur la terre comme au ciel ».

Un seul début de certitude : si le néant est l’essence-même du non–être, il ne peut être un objet, donc ni une cause, ni un effet. Il ne saurait donc produire ni cause ni effet.

La vie serait-elle une lutte contre la néantisation ?

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