LA MORT EST LA SEULE CHOSE QUE L’HUMAIN SAIT DE FAÇON ABSOLUE ET À LAQUELLE IL NE CROIT PAS.
La mort comme événement n’existe pas. Il y la vie et puis… On n’est pas mort, on n’est plus. Même le verbe « être » n’a plus sa place. Personne ne peut avoir conscience de sa propre mort.
Si la mort à venir n’est pas devant nous, où est-elle ? DERRIERE NOUS. ! Elle nous suit, pas à pas et s’approprie chaque seconde de notre vie, à mesure que nous avançons en âge. Notre passé est aussi mort que s’il avait été vécu à n’importe quel moment de l’histoire du monde.
Avoir une mort enviable revient donc à avoir une vie enviable.
Il est difficile de changer les modalités de notre mort, mais rien ne s’oppose à des changements positifs dans les modalités de notre vie.
Mort et finitude. La mort inquiète au futur, elle suscite la peur de l’inconnu. La finitude se nourrit du passé : elle réveille les regrets. Quelques fois des joies. Ces deux concepts sont absurdes parce que sans remède… et sans suite.
La mort de l’autre Preuve qu’on est vivant.
« Quelques jours avant sa mort, le « pauvre » Eusèbe me disait encore » … ou « ma pauvre » mère faisait…
Ces locutions supposent le manque de chance de ces « pauvres » morts, dont le sort ne nous concerne pas. Les conduites singulières des gens à qui on annonce leur mort proche en est la preuve. Que croyaient-ils avant cette annonce ? Que cette affaire ne concernait que « l’autre » ?
La remise en cause de soi par la mort de l’autre : si la mort de soi est au-delà de contrôle, seule la mort de l’autre compte vraiment.
Pleurer le cher disparu : Pleurer sur lui, c’est pleurer sur rien. Pleurer sur soi, c’est pleurer pour rien.
Les rites mortuaires.
Qu’ils soient de religions (foi) reconnues ou pas, ils ont tous une nature mystique, puisqu’ils s’appuient sur une croyance.
Les caractéristiques liturgiques sont des aides de « passage », sauf le cannibalisme qui est une tentative d’appropriation des qualités du mort.
Les trois rites primitifs ont été la crémation, l’ensevelissement et le cannibalisme.
- La crémation pour faire disparaitre un corps devenu inutile qui partira en fumée vers les dieux, ne laissant que quelques cendres, semblables à la terre et qui y retournent.
- L’ensevelissement pour protéger le corps contre les prédateurs et les rapprocher du monde chtonique, dans certaines religions.
- Le cannibalisme pour s’approprier les qualités supposées du défunt. (Op.cit.)
Les rites les plus spectaculaires furent ceux de l ’Egypte ancienne, puisque le défunt devait être préparé, liturgiquement, à une autre vie dans un autre monde. Mais il s’agissait de rites symboliques qui ne correspondaient pas à une croyance réelle.
La mort, de vieillesse, par maladie, par accident, suicide …Quelle que soit la nature de la mort, elle laisse toujours un sentiment d’incomplétude, un vide social, un bilan de vie, un sentiment de révolte parce que, quelle que soit la longueur de la vie, elle est, pour l’Homme, toujours trop peu.
Le suicide est une mort naturelle, car il a lieu quand il reste la seule porte possible.
LE NÉANT DE LA MORT EST UN ABSOLU ANXIOGÈNE, CAR L’HOMME NE PEUT AVOIR CONSCIENCE D’UN ÉTAT OÙ LA CONSCIENCE N’EXISTERAIT PAS. AUCUN EFFORT NE POURRA OUVRIR UNE PORTE QUI N’EXISTE PAS.
LA CONSCIENCE DU NÉANT DE LA MORT EST EN CECI COMPARABLE À CELLE DU SENS DE LA VIE POUR LES MÊMES RAISONS ET AVEC LES MÊMES EFFETS : LA VIE N’A PAS D’AUTRE FINALITÉ QUE LA VIE ELLE-MÊME.
LA VIE ET LA MORT MALTRAITENT L’EGO QUI ACCEPTE MAL DE N’ÊTRE « QUE ÇA ». LA VICTIME D’UNE INJUSTICE QUI REND ABSURDE CETTE SANCTION UNIQUE À TOUTE VIE, QUELS QU’EN SOIENT LES MÉRITES : LE NÉANT.
Mais la certitude du néant est en fait un grand réconfort : un non-endroit où les solutions n’ont plus à être trouvées car les problèmes n’existent plus.
La lutte contre la mort est forcément une bataille perdue d’avance.
Dans cette optique, la bataille essentielle n’est pas contre la mort, mais contre la souffrance. La médecine se trompe quelques fois de cible. Générer un quatrième âge d’invalides en souffrance et dépendants est inhumain. Et socialement impossible à assumer.
En psychanalyse, la pulsion de mort nous repousse vers l’inorganique, la libido vers le « vivre » jusqu’au bout. Ces deux tendances modulées par les hasards de la vie, sont probablement des plus anxiogènes.
La trouvaille des religions de salut et ce qui fait qu’elles existent encore, bien que le « savoir » s’oppose au « croire », c’est d’introduire dans la conscience collective la promesse d’une vie éternelle et de récompenses « au mérite », qui redonnent un sens à la vie, lieu d’acquisition des mérites, et à la mort, par le passage vers l’éternel lieu pour en jouir.
Leur persistance obstinée au long de l’histoire de l’humanité démontre de façon irréfutable que la mort reste, bien qu’excentrée, le cœur géométrique de la vie.
Pour les autres religions, malgré les nombreuses variantes, puisque la mort physique ne peut évidemment pas être niée, les débats portent sur la partie non-physique, l’âme.
Comme cette dernière est libre de toute démonstration, elle peut être éternelle et « joignable » (en particulier dans les rêves, comme pour les animistes) ou se réincarner (chez les bouddhistes), pour satisfaire ses besoins de constant perfectionnement jusqu’à atteindre le Nirvana. Cette dernière vision est la seule qui considère l’âme comme totalement indépendante des corps qui l’abritent successivement.
Aucune croyance ancienne ne propose la disparition de l’âme au moment de la mort physique, comme c’est le cas pour les athées… et la logique.
L’âme est une croyance pour ceux qui ne peuvent – ou ne veulent – accepter que tout ce qui est non-physique soit une production cérébrale, qui disparait avec la mort du corps. Pour les autres, l’acception pour « âme » est multiple. Cette polysémie couvre : l’esprit, l’âme, la conscience, le mental, les intuitions, etc…
L’usage a affecté « l’âme » au domaine mystique et « l’esprit » aux capacités intellectuelles. L’esprit disparaitrait avec la mort et l’âme serait rendue (« Untel a rendu l’âme ») à l’univers d’où elle pourrait être affectée à un nouveau corps (métempsychose) de sexe indifférent (intéressant sujet de réflexion).
Comme toujours quand il s’agit de la croyance contre les faits, la littérature est profuse pour la croyance et d’une grande indigence pour les faits.
NDE : « Near death experience » (expérience de mort imminente).
Il n’y a pas de définition de la mort satisfaisante, par suite des événements prenant place dans un temps très court, propice aux phénomènes hallucinatoires souvent décrits.
L’arrêt respiratoire, ainsi que des battements du cœur, l’abolition des réflexes ou de réponse à la douleur sont des signes utiles pour cette définition, mais insuffisants pour décréter la mort. Les productions épiphysaires, comme la dopamine ou la mélatonine, ont des effets non-encore totalement éclaircis qui semblent participer des approches de la mort clinique.
Mais, évidemment, si les patients qui ont vécu une NDE sont là pour les raconter, c’est qu’ils ne sont pas morts.