On ne demande pas à son chien comment l’alimenter. Non que le pauvre animal manque d’appétit, mais son discernement, malgré ses instincts, ne lui ferait peut-être pas choisir les mets les plus appropriés à sa santé. Son odorat l’aiderait peut-être, mais la palette des mets néfastes resterait illimitée. Les gens malveillants tuent les chiens en leur offrant des boules de viande délicieuse mêlée de poisons létaux, qu’ils sont incapables de repérer, malgré leur odorat.
Les hommes, en moyenne moins limités que les chiens, malgré les tares de l’espèce, n’ont pas toujours les capacités de discernement que leur suffisance leur prête.
On exige un permis de conduire, un brevet de pilote, un autre de capitaine au long cours, pour les charges d’âmes correspondantes. On ne permet pas aux gens de bonne volonté l’accès aux blocs opératoires hospitaliers pour tenter d’y guérir leurs concitoyens, s’ils n’ont pas acquis la compétence et les titres nécessaires, etc…
L’idéal serait de mesurer l’intelligence de chaque citoyen et d’ouvrir ainsi ses droits civiques, en particulier le droit de vote et plus avant, d’édilité.
La question est : pourquoi confie-t-on la destinée des peuples à des politiciens qui n’ont comme compétences que celles qu’ils s’octroient – souvent de bonne foi – mais qui ne résisteraient pas à un examen d’un niveau en rapport avec leurs ambitions, ou la fonction convoitée, comme c’est le cas dans tellement de professions.
Il semblerait même que plus on gravit les échelons sociaux, moins on est soumis à des évaluations du niveau des compétences, en rapport, peut-être, avec la crainte qu’on inspire.
À ce constat technique s’ajoute celui du profil psychologique – intelligence cognitive, comportementale et émotionnelle, qui sont les mesures des capacités à résoudre les problèmes, depuis les plus bénins, aux plus vitaux, pour soi ou pour les autres. En ajoutant les valeurs morales qui, en cas de compétences globales, peuvent être déterminantes pour des décisions peu profitables, voire quelques fois nuisibles par goût du pouvoir, du lucre ou de déviations.
On voit mal ce qu’il y aurait de dégradant, d’instaurer, en post adolescence, dans la même mouvance que les titres de fin d’études, l’établissement d’un document définissant les caractéristiques essentielles des citoyens et les champs professionnels qu’il leur serait prudent d’éviter, ou ceux dans lesquels ils seraient particulièrement adaptés, voire compétents.
L’auteur possède un brevet de pilote professionnel, mais il n’aurait pas pu accéder au pilotage d’avions de chasse, pour déficience visuelle. Il ne s’est jamais senti grugé par cette limitation et a pu réaliser plus de 4.700 heures de vol dans la limite – visuelle – de ses capacités.
Comment un homme ou une femme, seul (e) peut-il(elle) prendre, tel le fait du prince – des décisions qui affectent une multitude, sans l’assistance des spécialistes du problème considéré ? Dans la réalité – et logiquement – les décisions reflètent la subjectivité du décideur, au lieu des performances de ces conseillers spécialisés.
Il est des champs où les erreurs portent à sourire, mais d’autres qui peuvent être incommensurablement plus mortifères.
Quand les États-Unis bombardèrent Hiroshima et Nagasaki, faisant plus de 200.000 morts civiles, plus ceux qui périrent des suites des radiations, leur but était la reddition du Japon. Gageons qu’une démonstration en mer, au large de Tokyo, aurait eu le même effet. Celui qui a pris cette décision n’avait pas les qualités de maîtrise de soi et d’analyse en cas d’événement de cet ordre.
À un degré infiniment moindre, le président Macron n’avait pas mesuré la tourmente politique qu’il allait déclencher quand il a dissous l’Assemblée Nationale le 9 juin 2024 et toutes ses conséquences, dans un pays qui a suffisamment de problèmes techniques (financiers entre autres) pour y ajouter les graines d’une discorde inutile et invalidante pour la démocratie.
Les assoiffés de liberté à tout prix crieront au liberticide, mais ce sera par manque de profondeur d’âme. Accepter de se voir et d’être vu par la communauté comme nous sommes ne prive en rien de liberté, puisqu’il n’y a pas de liberté réelle sans volonté de la subordonner au bien commun.
Faisons mentir Platon : Que la démocratie devienne, par vertu de l’intelligence du peuple, sa mère correctrice bienveillante mais lucide.
Merci Michel.
je me sens moins seul.