De quelque côté qu’on les regarde, les religions monothéistes ne portent pas particulièrement à la spiritualité.
Elles sont davantage les gardiennes de mœurs, de coutumes sociales, de valeurs morales, d’incitations grégaires, qui peuvent aller plus facilement vers le communautarisme ou les dérives sectaires, que vers des prémices spirituelles, cheminement éminemment personnel, donc non ecclésial.
Le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam sont des religions rigoureuses, plus basées sur la crainte de leur dieu que sur la recherche du bien commun (sauf par la Loi) ou la réalisation personnelle.
Peut-être les spiritualités ont-elles plusieurs sens, mais certainement aussi plusieurs traits communs. Si l’on accepte que l’un d’entre eux serait une élévation de l’esprit, permettant un champ d’éveil plus large, comme il convient à l’œil qui s’élève, l’analogie voudrait que l’être s’allège de pesanteurs inutiles, comme il purifierait une eau corrompue par distillation.
Peut-être faudrait-il aussi choisir les liquides à distiller et les substrats qu’on en attendrait, afin qu’une autre réalité, plus noble, en résulte et que la partie abandonnée dans l’alambic ne soit pas perdue.
La richesse, par exemple : s’il est bon qu’elle ne soit pas un poids ou une entrave et que l’être s’éveillant en laisse la plus grande part, cette part devrait peut-être avoir une utilité pour le bien commun.
La spiritualité ne peut être une sorte d’évaporation fantomatique de l’âme, laissant celle-ci vidée de son énergie, mais au contrainte, elle lui permet de s’attacher, en pleine conscience, à sa propre réalisation, qui consisterait en un processus spiral ascendant mais résiliant, en prise directe avec la réalité d’où elle tire son énergie et son orientation.
Un être spirituellement élevé a une vue plus large, plus généreusement bienveillante et plus efficiente dans son monde d’interaction sociale. Il réalise pleinement le proverbe japonais :
« Quand un arbre donne de bons fruits, un chemin se crée ».
Malgré le caractère personnel de la tendance au spirituel, si le chemin isole l’être, c’est qu’il n’est pas LE chemin. Ce qu’il y a de plus profond chez l’humain ne peut – ne doit – éloigner l’humain de son humanité.
L’humilité que l’individu constate n’est que de l’orgueil. L’humilité que les autres constatent est une tendance à l’humilité. Celle que personne ne constate est le début réel de l’humilité.
Il en est de même de la spiritualité, dont on pourrait dire qu’elle est plus une recherche qu’un but. On voit mal un esprit honnête affirmer qu’il a atteint le niveau suprême de la spiritualité, si un tel niveau pouvait être décrit. En somme la spiritualité ne peut être vue comme un état à atteindre mais une direction à suivre jusqu’à… l’infini. UN chemin qui n’aurait pas plus de bornes que de fin. Comme tous les absolus, l’infini ne permet pas de se situer car il est sans référent. Mais cela signifie aussi que toute notion de progrès ou d’évolution est exclue.
Constat à la fois désespérant et libérateur. Désespérant car l’homme a généralement besoin de repères pour progresser comme on monte à une échelle, ce qui est là hors de propos et libérateur car aucun but n’étant à atteindre, aucune angoisse de l’échec ne peut troubler un cheminement sans notion de distance à parcourir ou parcourue. De fait, ces notions s’effacent à mesure que le chemin se parcourt. La notion qui veut que le chemin se fait en cheminant trouve en la spiritualité sa négation positive.
Point de rite, moins encore de prière intéressée, et pas du tout de main secourable. Enfin, un non-lieu incommensurable où l’être n’est qu’avec lui-même, ni soumis, ni transcendant, seulement à l’épreuve de sa propre capacité à être réellement humain.
Merci pour ces réflexions. Tu es un chercheur des limites de l’esprit humain