Armel Le Cléac’H a passé la ligne d’arrivée du tour du monde à la voile « Vendée-Globe » le 19 janvier.
Le deuxième, Alex Thomson, est arrivé sur ses talons, le 20, et Jérémie Beyou le 23.
Aujourd’hui, le 25 janvier, trois concurrents sont attendus dans les heures qui viennent et douze autres sont entre 3.000 et 10.000 km de l’arrivée et le dieu des marins seul sait quand ils arriveront, s’ils arrivent.
Onze autres ont abandonné.
Le 19 janvier, une foule impressionnante, à la suite de l’armada qui était sortie accueillir le vainqueur, attendait le héros. Le 20, la vraie fête était finie pour accueillir le deuxième, pour ne rien dire du troisième, le 23, qui reçut la bienvenue d’un petit comité de fans.
Leurs familles et le délégué de leurs sponsors attendront ceux qui doivent arriver incessamment.
Les autres…
Pourtant, tous ces champions admirables ont rencontré les mêmes difficultés, ont affronté les mêmes dangers, ont suscités les mêmes angoisses chez ceux qui les aiment. Ce périple harassant les aura marqués de la même manière.
Pour les grands médias, ils n’existent plus. S’ils voulaient un accueil chaleureux, ils n’avaient qu’à gagner ! Notre monde n’est pas fait pour les deuxième et moins…
Si l’un de ces retardataires veut sa minute de gloire, il lui reste la possibilité de se jeter à l’eau. On lui consacrera un entrefilet dans la presse écrite et deux minutes au téléjournal quand on retrouvera son bateau fantôme.
Le véritable exploit, en fait, c’est de s’aligner au départ, quand on sait qu’à moins d’être le premier, on n’aura droit, au plus, qu’à un regard apitoyé.
Si cet exemple est très illustratif, le phénomène est le même dans tous les sports et, finalement dans tout ce qui, dans la vie, met les hommes en concurrence. De la maternelle au doctorat pour se former et dans tous les systèmes hiérarchiques ensuite. Premier ou rien.
Mais, dans tous ces classements, qu’est-ce qu’on mesure, en fait ? Des aptitudes physiques, techniques et mentales. On peut accorder aux concurrents d’une même épreuve des valeurs physiques assez proches. Des capacités techniques du même ordre. Ce qui est plus difficile à estimer est certainement la qualité du mental, force « de caractère » peu mesurable. C’est pourtant, le plus souvent, ce qui fait la différence.
Or, dans les systèmes d’enseignement classiques, il n’y a aucune place pour travailler le mental. On ne l’améliore « qu’accidentellement », et de façon anarchique, que par les efforts demandés aux apprentis de la vie dans les matières techniques et intellectuelles.
Mais les méthodes existent. Elles revêtent différentes formes selon les « mentalités » et les traditions, mais à « grosso modo », il s’agit de méthodes où l’honneur, l’exigence et la discipline de soi sont les lignes directrices. Pris séparément, les concepts sont élémentaires. Réellement vécus, ils font « toute la différence » : s’obliger à être ponctuel, véridique, fiable, c’est déjà être en bon chemin.
Ponctuel parce que chaque minute d’attente forcée imposée à quelqu’un est autant de temps qu’on vole de sa vie, sans aucun droit à le faire.
Véridique, donc faire ce que l’on dit et rester dans la vérité, envers soi-même et envers les autres.
Fiable, conséquence de l’application des deux points précédents, qui changent notre relation aux autres et à nous-mêmes.
Ce simple petit programme ouvre en fait un chemin noble, car il nous impose une attention permanente dans l’application au quotidien du mot princeps : RESPECT.